Pour une grammaire non sexiste

Une grammaire non sexiste

Compte rendus de Pour une grammaire non sexiste

Céline Beaudet (Professeure, Université de Sherbrooke). Compte rendu paru dans Recherches féministes, 1997, vol. 10, no 1, p.
https://www.erudit.org/fr/revues/rf/1997-v10-n1-rf1655/057922ar/

 

Jacqueline Lamothe (Professeure honoraire, UQAM). Compte rendu paru dans Newsletter (Centre de recherche et d’enseignement sur les femmes de l’Université McGill / McGill Centre for Research and Teaching on Women), 2003, p. 17-18.

 

En 1996, Céline Labrosse publiait Pour une grammaire non sexiste où elle présentait, à la suite d’une réflexion sur la dissymétrie de représentation des femmes et des hommes dans la langue, quelques propositions de solutions grammaticales et orthographiques innovatrices. Elle récidive cette fois avec un ouvrage aux dimensions plus larges, poussant ses observations et son analyse critique des manifestations du sexisme dans divers replis de la langue mais également dans l’utilisation de celle-ci dans des contextes variés de communication. Les nombreux thèmes abordés servent à nous convaincre que la langue est indissociable de celles et ceux qui l’utilisent.

D’entrée de jeu, l’auteure démystifie la soi-disant immuabilité de la langue. Puis, elle clarifie la notion de genre en français, illustres les ambiguïtés du masculin générique et propose des pratiques linguistiques plus conformes au système du français. Certaines sont heureusement déjà en vigueur, du moins au Québec; par exemple, on entend plus fréquemment « les Droits de la personne » que « les Droits de l’homme ». D’autres cas illustrent ce qu’elle appelle « la confusion des genres », comme ces quelques substantifs féminins désignant des hommes. Précisons qu’ils sont peu nombreux et s’expliquent souvent, soit par une utilisation métaphorique : une vipère, une peste, ou encore par une origine étrangère : sentinella (italien-féminin).

Les deux chapitres suivants abordent différentes facettes de la désignation des femmes; par exemple, la féminisation nécessaire des noms jadis utilisés qu’au masculin comme les noms en –eur, -ut, -ot, les locutions figées décrivant des réalités masculines difficilement « recyclables » au féminin comme rire dans sa barbe, et les désignations approximatives ou inexistantes des réalités féminines. Au-delà des mots : la syntaxe. Il n’est pas innocent que l’ordre d’apparition dans la phrases priorise le terme masculin : Monsieur et Madame X, Monsieur Y et son épouse, ou encore que l’accord se fasse au masculin pluriel : Michel et Louise sont partis en vacances. L’auteure cite plusieurs exemples d’évolution de ces pratiques et propose des solutions complémentaires comme la contraction de ils et elles en une forme unique : illes.

Le sexisme ne touche pas seulement la langue mais encore les discours. Céline Labrosse en fait la preuve par les dictionnaires : occultation du genre féminin, définitions biaisées, illustrations (exemples) tendancieuses.

Un chapitre consacré à l’utilisation de la langue parlée par les femmes et celle parlée par les hommes fait ressortir davantage le conditionnement idéologique sous-jacent aux interprétations des premières analyses américaines que des différences fondamentales attribuables à la seule variable « sexe ». En effet, pourquoi les caractéristiques du langage féminin seraient-elles en soi des preuves d’un moindre pouvoir? Ne serait-ce pas plutôt le fait qu’on ait d’abord associé les caractéristiques linguistiques masculines au pouvoir? Il faut se réjouir que le questionnement féministe ait permis de modifier les cadres théoriques de ce type de recherche. Il faudrait ajouter que l’évolution des comportements et des mentalités des locutrices fait en sorte que bien des données d’il y a plus de dix ou quinze ans sont désormais caduques.

Des mots disparaissent, d’autres se créent, des modifications morphologiques et phonétiques apparaissent régulièrement comme autant de manifestations de l’évolution de la langue. Dès le XIXe siècle, la linguistique a pu déterminer les principes spécifiques de ces changements, notamment la régularité, la simplicité et la nécessité interne, à savoir que certains changements échappent à la volonté consciente. D’autres sont commandés par le besoin de refléter les réalités nouvelles. C’est ainsi que l’auteure observe des pratiques récentes de féminisation et plus largement de désexisation de la langue dans divers secteurs de la société. Elle y ajoute une contribution personnelle en présentant des solutions de type orthographique rencontrant cette double exigence de « désexisation de la langue française et d’une simplification de son écriture ».

Par la variété des termes, la simplicité d’approche et ses propositions avant-gardistes, ce deuxième ouvrage de Céline Labrosse saura susciter l’intérêt de toute personne sensible à la représentation des femmes dans le langage.

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